jeudi 18 juillet 2019

De la Pâque et de la rue Juive

Hier courriel du Doc. La team Baxter est au complet sur l'affaire. "La Pâque : dommage que le lieu dit ne soit pas dans l'Indre, Stéphane Gendron le toponymiste en aurait donné un éclairage particulier. Peut-être existe t-il un toponymiste équivalent pour ... mais est ce bien le département de la Vienne ?"
Stéphane Gendron, l'auteur en 2004 du gros et précieux volume Les Noms de Lieux de l'Indre, auquel j'ai recours moult fois par an. Tiens, regardons s'il y a un lieu-dit La Pâque dans l'Indre. Non, on passe des Pantaines au Paradis. La Pâque est donc réservé à la Creuse. Je peux l'affirmer car une recherche sur Geoportail ne donne qu'une seule occurrence :



Il poursuit ainsi : "On sait qu'il existe des traces très anciennes de populations juives dans le Centre de la France; et contrairement à la coutume de voire "le juif" toujours  "errant"  Chantal Gerbaud a trouvé des indices par lesquels certains juifs berrichons étaient attachés à la terre, paysans ! Peut-être Chantal Gerbaud pourrait un peu expliciter le sujet de la Pâque. Son étude parue dans "la Bouinotte" et dans la revue de l'académie du Centre est de la très belle ouvrage."
Il m'a joint le fichier pdf de l'article de Chantal Gerbaud, Les juifs en Berry au Moyen Age, paru dans le numéro de l'année 2015 de l'Académie du Centre. J'y apprends entre autres choses qu'un cimetière juif a été fouillé à Châteauroux par l'INRAP dans les années 90 : "Le cimetière de Châteauroux est l’un des trois cimetières fouillés en France sur plus d’une centaine dont on a une trace écrite par ailleurs ; ce seul fait qui atteste d’une présence longue sur le territoire donne à ce dernier une importance ignorée jusqu’alors."


"Heureusement, poursuit Chantal Gerbaud, la mémoire des hommes garde longtemps, et même après la disparition de tout autre indice, comme une trace du passé inscrite dans l’espace, le nom des choses, des gens, des activités humaines qui s’y sont déroulées. Les hommes nomment les lieux, les rues des villes, et organisent ainsi un espace-temps que la toponymie nous permet de déchiffrer. Au cœur des villes et en certains lieux-dits, la présence juive se révèle : rue Juive, rue des Juifs, rue de la Juiverie, rue Judaïque : ces noms datent du Moyen-Âge, d’avant l’expulsion du 14ème siècle et enracinent le passé juif très loin dans l’histoire de France."

Pétition (Archives municipales de Châteauroux)

La Pâque est-elle l'indice d'une présence juive en Marche ? Qui sait ? En tout cas, le nom est toujours là. Car ce qui étonne aussi dans l'article de Chantal Gerbaud c'est cette rage parfois à effacer l'ancien. Si Sancerre a gardé sa rue des Juifs (c'est vrai aussi pour Bourges et Bué), Châteauroux et La Châtre l'ont perdue, et pas au sortir du Moyen Age, non, au moment de l'affaire Dreyfus. " (...) il est intéressant de constater, écrit Chantal Gerbaud, qu’il n’y a pas de délibération du conseil municipal, aucune discussion comme c’est le cas pour la plupart des décisions. On a peur d’en parler, le sujet est tabou. A Châteauroux, il y a une pétition des habitants de la rue, le maire Joseph Bélier, fait accepter ce changement. S’agit-il d’un antidreyfusisme profond ? Peut-être pas, mais en tous cas, il n’est pas question d’avoir une adresse entachée de soupçons, les vieux préjugés ressortent : le mot « juif » salit celui qui le porte et il ne peut y avoir de relations entre « eux » et « nous ». La rue est donc « baptisée » rue Racine ; plus tard, elle prendra en 1936 le nom du maire soumis aux désirs de ses administrés, Joseph Bélier."
 


Exit donc la rue Juive au profit d'un édile dont nul aujourd'hui ne se souvient.

Le Doc évoquait aussi Saint Sulpice dans son courriel : "Pour ce qui est de la particularité de St Sulpice, il existe aussi dans d'autres églises des indices concordants de mises en perspective de la lumière pour des buts précis.  Un des plus récemment découverts est le cas de la Basilique de Vézelay." Il me joignait des extraits de Wikipedia à l'appui de ses dires. Là, contrairement à la question de la présence juive en Berry, rien de nouveau pour moi, à vrai dire, mais il ravivait fort à propos les articles de Robin Plackert publiés dix ans plus tôt, dont Le chemin de lumière de Vézelay.

A 14h27 le 23 juin 1976 dans la nef de la basilique de Vézelay, le Père Hugues Delautre o.f.m. a donné rendez-vous au soleil, à cet instant précis en culmination par rapport à la terre, pour qu'il lui manifeste le secret de l'édifice. Photographie de François Walch

Je cite juste la fin de l'article en question :
"Je suis heureux de poster cet article le jour même de Pâques (ce qui n'est nullement prémédité de longue date, n'ayant moi-même retrouvé l'opuscule sur Vézelay dont j'use ici amplement que depuis quelques jours). Et je laisserai à Grégoire de Nysse, lui-même cité par Hugues Delautre, le soin de conclure :
« A Pâques, les jours sont égaux aux nuits, et la lune étant à son 14ème jour de sa course, n'a aucune partie d'elle-même qui soit ténébreuse. Elle brille donc elle-même de l'éclat qu'elle reçoit du soleil. Aussi le jour de Pâques la lumière luit le jour comme la nuit, sans que les ténèbres lui fassent obstacle. »

Je m'aviserai seulement en fin de soirée que le livre emprunté hier à la médiathèque, que j'ai lu d'une traite, une fois n'est pas coutume, et qui citait en passant le livre de Jean-Paul Kauffmann sur son voyage en Champagne, ce livre, Théorie de la bulle carrée, écrit tout à la gloire du vigneron-poète Anselme Selosse, ce livre, oui, avait pour auteur un certain Sébastien Lapaque.



 

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