A Lyon également, dans le même temps, j'avais acheté Le Carnet Rouge et L'Art de la Faim de Paul Auster. Et très vite, j'avais eu envie de mettre en parallèle les paroles de Legendre et les Conversations avec Paul Auster, à la fin du volume.
Je rappelle que dans Le Carnet Rouge, Auster rapporte treize histoires qu'il assure véridiques, comportant toutes des événements étranges, des coïncidences surprenantes. Pas d'autre lien entre elles que cette récurrence de l'improbable. L'écrivain veut montrer par là, contre le réalisme stricto sensu, que ce même improbable, souvent à l’œuvre dans ses propres romans, est un élément du réel beaucoup plus fréquent qu'on ne le pense.
De fait, il s'apparente fortement au facteur Otto, collectionnant comme lui les histoires étranges.
Regardons maintenant quels sont les textes que j'avais disposés en miroir (et le mot, on va le voir, est plus que justifié), entre Auster et Legendre (sur le cahier, ils étaient dressés sur deux colonnes, ce que je ne puis reprendre ici).
Paul Auster : "Nous vivons seuls, oui, mais en même temps, nous ne sommes que ce que les autres ont fait de nous. Je ne veux pas seulement parler de la biologie - pères et mères, naissance utérine, etc. Je pense à la psychologie, à la formation de la personnalité humaine. Le nourrisson au sein lève les yeux vers ceux de sa mère et voit qu'elle le regarde, et grâce à cette sensation d'être vu, le bébé commence à apprendre qu'il est distinct de sa mère, qu'il est une personne à part entière. Littéralement, c'est par ce processus que nous acquérons une identité. Lacan appelle cela le "stade du miroir", c'est une expression que je trouve très belle. La conscience de soi chez l'adulte n'est qu'un prolongement de ces premières expériences. Ce n'est plus la mère qui nous regarde désormais - nous nous regardons nous-mêmes. Mais nous ne pouvons nous voir que parce que quelqu'un nous a vu d'abord. En d'autres termes, notre solitude nous est révélée par les autres. De la même façon que le langage nous est révélé par les autres." (pp. 419-420) [ C'est moi qui souligne]
Pierre Legendre : "(...) l'image est toujours la question du sacré, la question de la division du sacré et du profane, donc de la division de l'homme, et de la division par l'institution.
Il est important, en ce domaine, d'évoquer le miroir. Si j'ose dire, le miroir est sacré, il est d'essence religieuse. Songeons-y. Le miroir notifie à l'homme l'inaccessibilité de son image, par conséquent l'existence d'un ordre de la division qui sous-tend la relation à l'autre, à l'altérité dans son principe. La question de l'image, c'est la question de la reconnaissance de soi, c'est-à-dire de l'autre en soi. C'est la question du miroir, parce qu'il n'y a d'image que s'il y a miroir ou tout autre équivalent symbolique, que s'il y a le tiers qui nous sépare à jamais de nous-même." [C'est moi qui souligne]
La Lunette d'approche, Magritte, 1963. Houston, Menil Fondation. Tableau illustrant l'entretien de Qantara. |
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