"Et ce livre est lui aussi merveilleux, qui nous transporte de Platon (qui place le s'émerveiller - to thaumazein - au commencement de la philosophie) à Wordsworth, de Dante et Shakespeare à Philippe Jaccottet, entre autres, montrant que le regard toujours émerveillé, porté vers les choses non seulement réputées sublimes, mais aussi les plus familières qui soient, peut nourrir en profondeur notre compréhension du monde et de la vie. Et ce n'est pas seulement la littérature qu'il explore avec pénétration, mais aussi la musique et la peinture. En ce dernier domaine, il évoque Vermeer, et quelle ne fut pas ma surprise et mon émotion de lire les lignes suivantes sur La Laitière, qui bien évidemment, comme on va le voir, entraient dans une résonance des plus fortes avec les passages de Heidegger cités dans mes précédents billets. Qu'on en juge :L'auteur m'a autorisé à verser ici le flux de son investigation cruchesque, permettant que nos eaux un temps donné se mêlent, ainsi foulerons-nous demain le sol occitan, sur les terres de Michel Serres.
"La Laitière concentre cette altérité du temps dans le lait versé, qui tombe toujours sans tomber, qui remplit continûment le récipient en terre où il est reçu en vidant sans cesse la cruche d'où il vient, et qui crée pour les yeux de l'âme un passage éternel, non pas du vide au plein, mais du plein au plein, en reliant une cruche qui ne s'épuise jamais à un bol qui ne déborde pas. Il nous invite dans l'infini du moment, dans un Maintenant nouveau, à la fois impossible et vrai. Nous ne prenons pas conscience de l'intemporel, mais d'une longue descente dans la plénitude du temps, dans la suffisance d'un présent, d'une présence capable de tout contenir, de permettre à toutes les couleurs de s'harmoniser autour de sa blancheur et à tous les objets, tous les gestes, de signifier ensemble, sans qu'il y ait symbolisme ni allégorie." (p. 228)
"Dans le versement du liquide offert, la terre et le ciel, le divin et les mortels sont ensemble présents.", écrivait Heidegger. La cruche du philosophe allemand (lequel n'est pas du tout évoqué par Edwards dans ce chapitre) est étrangement voisine de celle du peintre : la même idée de présence rassemblante y est à l’œuvre. Dans l'éternel verser convergent les énergies du monde."
lundi 22 mai 2017
# 121/313 - Cruche qui ne s'épuise jamais
J'évoquais récemment le bel essai de Belinda Cannone, S'émerveiller. Elle-même cite parfois un autre bel essai paru voici quelques années sur le même thème précisément, De l'émerveillement (Fayard, 2008), de Michael Edwards. Robin Plackert, continuant sa quête de la cruche, en reproduisit un passage éloquent dans un article intitulé Le verseau de Vermeer :
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