La mort d'un saint n'est jamais anodine. Le lieu, la date, les circonstances portent un enseignement. Que le jour de cette mort soit devenu chaque fois jour de fête doit nous avertir sur le sens profond de la fête, dont nous avons à peu près perdu aujourd'hui la valeur sacrificielle qui s'y attachait. La mort de Martin ne déroge pas à l'usage. Examinons-la en détail.
Tout d'abord, elle n'a pas lieu à Tours, siège de son évêché, mais à Candes, une petite ville située, comme son nom étymologiquement l'indique (gaulois condate, confluent), à la rencontre des eaux de la Loire et de la Vienne. D'emblée, nous retrouvons la symbolique des flux mêlés qui s'est imposée dès le début de l'étude de Verseau. Les confluents sont toujours des lieux particulièrement sacrés dans toutes les mythologies, et une étude de la Société de Mythologie Française montre que "Le mot condate semble avoir gardé une charge religieuse spécifique et la proportion élevée de patronages dévolus à saint Martin pourrait être un indice de la christianisation du Mars celtique appelé parfois Condatis."
La raison officielle de la venue de Martin à Candes est toutefois l'apaisement d' une querelle entre les clercs de l'endroit. Le devoir accompli, ses forces l'abandonnent et il est reçu le 8 novembre 397 "dans le sein d'Abraham". Le corps du saint va alors être l'objet d'une âpre lutte entre Tourangeaux et Poitevins de Ligugé, accourus dès la rumeur de trépas prochain, qui tous le revendiquent. Les Tourangeaux sont les plus malins car ils réussissent, selon les dires de Grégoire de Tours (Sulpice Sévère ne souffle mot du larcin), à escamoter nuitamment la sainte dépouille par une fenêtre et à la transporter jusqu'à Tours en remontant la Loire. Les obsèques ont lieu le 11 novembre, jour donc de la Saint-Martin.
Enlèvement de saint Martin par les Tourangeaux, fresque de Vic (Indre) |
Une semblable translation par voie fluviale eut lieu aussi pour saint Genou, dont le corps fut transporté de Palluau à Saint-Genou en suivant le cours de l'Indre (très court trajet d'ailleurs, dont on voit mal la nécessité matérielle, mais c'est le symbole qui importe bien sûr).
Mgr Villepelet place la fête de saint Genou au 20 juin (d'autres sources la placent au 17 janvier, comme celle de saint Sulpice). D'autres saints sont fêtés bien sûr ce jour-là. Parmi eux, une certaine sainte Gemme, martyre en 109, jeune lusitanienne d'une grande beauté ayant fui en Aquitaine la vindicte de son père, lequel voulait lui faire abjurer sa foi chrétienne.
Comme par hasard, le village de Sainte-Gemme (la commune s'honore aussi d'un dolmen dit de la Pierre-Saint-Martin) se place exactement sur le méridien sud de Saint-Genou.
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