mardi 9 mai 2017

# 110/313 - Livre du destin toujours ouvert au milieu

« Il y a eu des poignées, des sonnettes,
où sur la trace d'une main
une autre s'imprimera.
Des valises côte à côte à la consigne […]
Mais tout commencement n'est qu'une suite
et le livre du destin
toujours ouvert au milieu. »
 
Wislawa Szymborska [poème cité par K. Kieslowski]

Je continue de dévider le fil du temps à partir du cahier bleu de 1995. J'y trouve collé en face de la citation d'hier sur Revenants un article du Monde daté du samedi 18 février. Paul Auster et Wayne Wang viennent de présenter au Festival de Berlin leurs deux films Smoke et Blue in the face.


Au dos de ce collage, au 22/2, je consigne avoir lu L'invention de la solitude. "Forte impression", notai-je alors, ajoutant ensuite que "la seconde partie, le Livre de la mémoire, recèle des passages extrêmement parlants. Les "commentaires sur la nature du hasard" pourraient être des pages de l'A.R. [Archéo-Réseau]"

Je cite celui-ci, page 172 :
" A. est arrivé de Londres et reparti de Londres, et il a profité de l'une et l'autre occasion pour rendre visite à des amis anglais. La jeune fille du ferry et de l'exposition Van Gogh était anglaise (elle était née à Londres, avait vécu en Amérique entre douze et dix-huit ans environ et était rentrée faire les Beaux-Arts à Londres) et, durant la première étape de leur voyage il a passé plusieurs heures avec elle."
Dans le livre, les mots ferry et Londres sont entourés et reliés. Pour comprendre pourquoi, il faut lire la citation qui suit dans le même cahier :
" p. 156 : Au sujet de La Cassandre de Lycophron, traduit par Royston en 1806, lequel s'est noyé à 24 ans, "alors qu'il naviguait sur les eaux perfides de la Baltique."
"Et encore cette vision : le naufrage. La conscience engloutie au fond de la mer, le bruit horrible des craquements du bois, les grands mâts qui s'effondrent dans les vagues. Imaginer les pensées de Royston au moment où son corps s'écrasait à la surface des flots. Imaginer le tumulte de cette mort."
Je m'aperçois que j'ai cité les mêmes phrases dans l'article #70, précisément intitulé Les eaux perfides de la Baltique. En ayant complètement oublié ces notes de 1995, en ayant oublié Royston et la Cassandre de Lycophron. Mais il faut croire qu'ils étaient toujours là, quelque part bien arrimés dans la mémoire, avec ces images saillantes du naufrage et de la mer déchaînée.

Ce n'est pas encore fini : la page du 22/2 se termine par ce court paragraphe, qui montre un nouvel indice du couplage Auster/Kieslowski :
"A l'issue du film Rouge, un ferry fait naufrage. Qui faisait route vers l'Angleterre."
Cette fin est aussi la fin de la trilogie. Dans ce naufrage sur la Manche, il n'y a que sept survivants, et parmi eux les personnages majeurs de cette trilogie.

Présentation par Alain Martin à Sokolowsko, le 10 décembre 2016, dans le cadre de l'Hommage à Kieslowski

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