Baudelaire
Avec cette note de carnet, le poète retrouve, selon Starobinski, "la métaphore obsidionale et l'image du combat défensif contre le démon qui avaient suscité, au Moyen Age, et notamment dans la pratique cistercienne, le rassemblement presque militaire de la communauté monastique à chacune des heures canoniales. La figure de la sentinelle est précisément celle que nous trouvons dans l'hymne Te lucis des complies du dimanche :
Les pathétiques résolutions que Baudelaire note dans ses carnets et ne sera pas capable de suivre, montre combien le souvenir de la "journée du chrétien" est resté vivant dans l'esprit du poète, et quel attrait l'idée d'une règle imposée aux activités quotidiennes a pu exercer sur un homme qui sentait son temps se dissiper dans l'acedia et la perpétuelle procrastination."Te lucis ante terminum,
rerum Creator, poscimus
ut pro tua clementia
sis praesul et custodia.
C'est vous, Créateur du monde
Qu'avant la nuit, nous prions :
En votre bonté accoutumée,
Veillez sur nous pour nous garder.
Procul recedant somnia
et noctium phantasmata ;
hostemque nostrum comprime,
ne polluantur corpora.
Qu'au loin s'enfuient les songes
Et les fantômes de la nuit ;
Et réprimez notre ennemi,
Que nos corps ne soient pas souillés.
*
J'ai retrouvé dans mes archives ma brochure des Paroles dorées, de François Raoul-Duval, que nous avions lu avec Théatralacs. Baudelaire, agonisant, y dialoguait avec le Diable, déguisé en infirmier, qui se proposait de passer sa vie en revue, et de commencer, tiens donc, par "l'expédition de Châteauroux":
Ironie du sort : cela se passait donc au théâtre Maurice Sand, fils de George (c'était la première fois que nous faisions une lecture en ce lieu délicieux - il y en eut bien d'autres par la suite). Or, George Sand, on le sait, était honnie de Baudelaire. Dans ses carnets, au-dessus de la note citée en épigraphe, on trouve ce passage où il l'associe, eh oui, au Diable :
"Le Diable et George Sand.
Il ne faut pas croire que le diable ne tente que les hommes de génie. Il méprise sans doute les imbéciles, mais il ne dédaigne pas leur concours. Bien au contraire, il fonde ses grands espoirs sur ceux-là.
Voyez George Sand. Elle est surtout, et plus que toute autre chose, une grosse bête ; mais elle est possédée. C’est le diable qui lui a persuadé de se fier à son bon cœur et à son bon sens, afin qu’elle persuadât toutes les autres grosses bêtes de se fier à leur bon cœur et à leur bon sens.
Je ne puis penser à cette stupide créature, sans un certain frémissement d’horreur. Si je la rencontrais, je ne pourrais m’empêcher de lui jeter un bénitier à la tête."
*
Le nez toujours dans les archives, je retrouve trace, dans un de mes anciens cahiers Clairefontaine 192 pages, de la découverte de Jean Palou le 17 octobre 1992 :
"Hier soir, hôtel de Villaines, conférence sur Jean et Christiane Palou, par Nicole Patureau et Jean Perrichon. Un couple d'intellectuels qui a fini sa vie aux Mollets, dans la commune de Sazeray. Lui, historien de la Révolution, écrivain, auteur de livres et de films sur la sorcellerie, franc-maçon à partir de 1960, et ami d'André Breton. C'est surtout ce dernier aspect de la personne qui m'a passionné. Une petite exposition dans la première salle tentait de montrer les différentes facettes de l’œuvre (entièrement léguée aux Archives de l'Indre), une vitrine m'a émerveillé qui présentait plusieurs lettres d'André Breton, des cartes postales, des livres dédicacés dont Nadja, L'Amour fou et Arcane 17. La dédicace de Nadja est étonnante : Breton raconte carrément sur toute la page un rêve qu'il fit à la suite d'une histoire à lui racontée par Jean Palou, histoire que Breton lui demanda de coucher sur le papier pour sa revue Le surréalisme même. Et dans la vitrine il y avait à la fois le manuscrit de ce texte intitulé Présence à Ravenne et l'exemplaire de la revue en question. J'aurais voulu voler l'ensemble. Il faudrait que je puisse en prendre connaissance. (...)"
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