Haec hora cunctis utilis,
Qua quisque, quod studet, gerat :
Miles, togatus, navita,
Opifex, arator, institor.
Illum forensis gloria,
Hunc triste raptat classicum :
Mercator hinc ac rusticus
Avara suspirant lucra.
Prudence ( Aurelius Prudentius Clemens), Liber Cathemerinon (Livre d'heures), Hymne II
Traduction : C'est maintenant l'heure utile à tous, où chacun remplit les devoirs de son état : soldat ou civil, matelot, ouvrier, laboureur ou marchand.
L'un est entraîné par la gloire du barreau ; l'autre par la trompette sinistre ; le négociant et le paysan soupirent après des gains avides.
L'un est entraîné par la gloire du barreau ; l'autre par la trompette sinistre ; le négociant et le paysan soupirent après des gains avides.
Prudence en prière Enluminures, Bibliothèque municipale de Lyon, Auteur: Prudence, Livre: Psychomachia, Cote:Ms P.A. 22, f. 5v. |
Les six premiers poèmes du Livre d'heures de Prudence, - poète latin chrétien du IVe siècle, très renommé et étudié au Moyen Age (seule la Bible a été plus copiée, nous dit la notice de Wikipedia) - scandaient la journée. Les deux premiers hymnes consacraient les heures du matin, triomphales, annonciatrices de la victoire du Christ que symbolise la montée de la lumière. Jean Starobinski montre que Baudelaire, bien qu'il n'ait jamais cité Prudence, semble avoir repris ses images, mais bien souvent pour en modifier le sens, voire l'inverser. Ainsi la trompette de Prudence se retrouve dans Le Crépuscule du matin, qui commence ainsi :
La diane désignait la sonnerie de clairon qui devait réveiller les soldats. "Baudelaire, signale Starobinski, recourt à un imparfait qui colore son poème tout entier, et lui donne les allures de la narration d'un moment révolu, ce qui rend plus impressionnante la brusque émergence, aux vers 9-11, d'une atmosphère perçue avec acuité, derrière lesquels nous ne décelons aucun antécédent classique ou religieux ; un sacré radicalement neuf s'y annonce :La diane chantait dans les cours des casernes,
Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.
Comme un visage en pleurs que les brises essuient,L'aube, loin de balayer les miasmes et les fatigues, les accuse et les accentue. La victoire n'est pas d'actualité. "Le sacré des âges antérieurs, poursuit Starobinski, semble s'être perpétué dans le sens du mal et du péché, qui hante le poète. Plus évidentes sont les figures de la défaite, de la douleur, de la mort :
L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient,
Et l'homme est las d'écrire et la femme d'aimer."
Les maisons çà et là commençaient à fumer.
Les femmes de plaisir, la paupière livide,
Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide ;
Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids,
Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts.
C'était l'heure où parmi le froid et la lésine
S'aggravent les douleurs des femmes en gésine ;
Comme un sanglot coupé par un sang écumeux
Le chant du coq au loin déchirait l'air brumeux ;
Une mer de brouillards baignait les édifices,
Et les agonisants dans le fond des hospices
Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux.
Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux."
*
Gustave Moreau, "Fée aux griffons (Grisaille)", huile sur toile, Paris, musée Gustave Moreau |
Palou (suite). Le 4 novembre 1992, je notais ceci :
"Retour de Dijon.
Messe de Toussaint à la cathédrale Saint-Bénigne, dont j'ai visité l'impressionnante crypte préromane. ( Dans un petit panneau sur les rotondes - la crypte était l'étage souterrain d'une rotonde détruite à la Révolution - était citée, parmi d'autres, notre rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre.)
Pu aujourd'hui faire photocopier le texte de Jean Palou, Présence à Ravenne, exposé à l'hôtel de Villaines.
(J'avais aussi recopié la dédicace dans Nadja) :
Cher Jean Palou,J'étais resté hier soir très troublé du récit de votre aventure de Ravenne. Du rêve qui s'en est suivi, je retiens, d'une part, que, tandis que des camarades médecins procédaient à leur toilette matinale autour de moi, médecin moi-même, et bien que je ne fusse pas moins pressé qu'eux, par souci de propreté je commençais par laver le mur sur lequel s'alignaient les miroirs (Lancelot ?) d'autre part - me manque la liaison entre ces deux faits - qu'un oiseau d'un rose qu'on ne voit qu'au dedans de certains coquillages, passant pour la seconde fois tout près de moi en modulant un appel de détresse presque humain, je n'avais aucune peine à l'attraper sous une voûte sans presque qu'il se débattît. C'était un très petit échassier qui, les pattes retenues dans ma main, se tenait très à l'aise les ailes ouvertes, légèrement battantes comme celles du vase qu'on voit derrière la Fée aux griffons de Gustave Moreau, Francesca, la dame au sein nu du tableau mystérieux, une autre qui me tient à coeur et que je crois être en train de perdre ? Où toutes les trois à la fois.André Breton (7/7/57)"
Il est temps d’aller voir ce texte mystérieux de Présence à Ravenne, qui a le pouvoir de provoquer en écho chez Breton ce curieux rêve où s’affirme la présence plurielle de la Femme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire