mardi 12 septembre 2017

# 218/313 - Dé-coïncidence

Tout change très vite. La forme diffractée que j'avais adoptée pour ces billets n'a pas manqué d'évoluer : certains fils (Kurosawa, Billeter) ont trouvé leur conclusion tandis que ceux qui demeuraient ouverts (Starobinski et sa méditation sur le jour sacré et le jour profane, la sorcellerie à partir du livre de Marcelle Bouteiller) se sont pratiquement rejoints autour de la figure tutélaire de Baudelaire.

Le 8 septembre, alors que je venais de poster sur FB un statut qui rappelait le jugement cruel que le poète porta sur George Sand, j'allais ensuite fureter sur mon portail Netvibes, également nommé Alluvions, portail d'ailleurs public, que chacun peut donc consulter, et qui ne contient qu'un seul onglet baptisé Douze du monde. Parce que je n'y recense que douze sites (alors que Netvibes permet l'agrégation si l'on veut de multiples onglets et d'une quantité indéfinie de sites). Douze, pas un de plus, pas un de moins. Parfois un nouveau apparaît, mais alors j'en supprime un ancien. Dans l'immensité du web, il est facile de se perdre dans une pléthore de blogs, le temps disponible n'étant pas infini, il faut à mon sens savoir se restreindre.

Je ne fréquente d'ailleurs pas quotidiennement ce portail, et je ne consulte pas systématiquement les nouveaux articles publiés. Mais ce matin-là, je suis allé lire un article mis en ligne la veille par Daniel Bougnoux sur son blog Le Randonneur : Un perpétuel événement ? (à propos de F. Jullien). Surprise : chapeautant le texte, un portrait de Baudelaire :

En réalité, le poète n'est pas le sujet principal de l'article, consacré plutôt au dernier livre du philosophe François Jullien, La dé-coïncidence, à paraître bientôt :
"La littérature, disais-je dans une précédente livraison (« Présence de François Jullien »), a souvent tourné autour de cette difficulté, familière s’il en est, de la dérobade du présent, par excès ou par défaut. Tout se passe comme si le sentiment de notre présence, si précieuse, aux êtres ou au monde « out there », là en face, exigeait un réglage, ni trop loin, ni trop près. Car par ces deux bouts la présence s’évanouit. Le spleen baudelairien, la nausée selon Sartre constituent deux expériences (qui mériteraient une sérieuse analyse) où le trop de proximité du réel, tel un trou noir, bloque toute perspective d’essor : dans cette fixation panique, aucune tentative sémiotique, aucune dé-coïncidence n’opèrent plus, nous adhérons, jusqu’à l’horreur. (...)

Le dernier ouvrage publié de Jullien, Dé-coïncidence (Grasset, septembre 2017), multiplie les coups de dés ; il s’y explique au passage avec la déconstruction selon Heidegger, puis Derrida… L’art, l’ex-istence se font miroir, pour lesquels il n’est d’autre présence que l’essor d’une apparition : la rencontre dans la trame des jours d’une personne, mais aussi d’un tableau qui font irruption c’est-à-dire événement ; d’un coup leur présence tranche."
La coïncidence baudelairienne ouvrait sur une dé-coïncidence...


Sur le site de Grasset, on peut lire les premières pages du livre. Il me semble que ce que l'auteur entend par coïncidence ne coïncide pas avec la coïncidence au sens où je l'emploie ici habituellement. Et que donc la dé-coïncidence, concept forgé par Jullien, ne vise pas à s'opposer à celle-ci. Je dirais même plus (mais il me faudra lire l'essai pour affermir ou infirmer ce que j'écris ici) : la dé-coïncidence au sens de Jullien n'est pas sans rapport paradoxal avec la coïncidence au sens, par exemple, de Jung. Dans les deux cas, il y a une déchirure dans la trame régulière des jours, une rupture troublante dans l'ordonnancement du réel, il y a événement. (Écrit le 08/09)
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Ajout du 09/09 : Béatrice, qui n'a pu lire cet article encore inédit, m'envoie par FB un lien vers une émission de France-Culture, Réciter son Baudelaire (2/4), trois minutes de poésie avec l'excellent Jacques Bonnafé. Or, le post en question affiche le même portrait de Baudelaire que celui choisi par Daniel Bougnoux.

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