Photo : Etienne Bailly |
Après avoir écrit la chronique d'hier, j'ai découvert qu'Arte avait judicieusement programmé un documentaire très récent sur Otto Dix : Otto Dix ou le regard impitoyable, réalisé par Nicolas Graef. Il est encore possible de le visionner pendant quelques jours, ne vous en privez pas.
Cela m'a confirmé dans ce que je pensais. Après son arrestation, la nature devient son sujet principal, car il était devenu trop dangereux de pratiquer une figuration critique. "J'étais condamné au paysage, expliqua-t-il. La peinture de paysage était une sorte d'émigration. Je n'avais plus la possibilité de représenter des individus mais on peut toujours tirer quelque chose de n'importe quoi."
Pour Andreas Schalhorn, du Cabinet des estampes de Berlin, "le paysage peut être aussi un reflet du monde, charger de tensions, plomber et illustrer aussi l'esprit du peintre. Ses tableaux offrent une vue large mais empreinte d'une grande mélancolie."
Otto Dix affirmait lui-même que c'était sa façon de résister aux nazis. Résistance qui s'exprime, selon Ingrid Mössinger, par le fait que ses paysages sont déserts : "Les seuls personnages humains qu'on y voit sont des gens qui suivent un cercueil. On peut donc dire que ces paysages sont une vision hostile d'un pays qui lui est hostile."
Un tableau de 1942, la même année que le « Landschaft Im Böhmischen Mittelgebirge », illustre bien la position du peintre face au régime : dans L'Autoportrait avec palette devant un rideau rouge, Otto Dix se représente, selon Sven Beckstette, "en artiste capable de lire l'avenir, et il s'appuie pour cela sur le modèle classique du visionnaire, il n'a pas les yeux noirs mais un regard d'aveugle. On voit derrière lui un grand rideau rouge, mais qui laisse apparaître dans un coin un tableau. On peut interpréter ce détail en disant que ce paysage représente le désastre de façon prémonitoire, mais on peut aussi y voir une allusion à son statut d'artiste rejeté par les nazis, contraint de dissimuler son tableau parce qu'il reçoit de la visite. (...) Il se voit comme un artiste qui décrit les phénomènes de son temps, et les anticipe, mais aussi comme un artiste interdit qui est obligé de travailler de manière clandestine."
Zoomons encore un peu sur cette montagne à l'arrière-plan.
N'y a-t-il pas encore une fois une grande ressemblance avec le sphinx des glaces ?
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