mercredi 28 juin 2017

# 153/313 - Only sleepers

En regardant Only lovers left alive, j'ai été frappé par la récurrence de la figure du sommeil des amants  chez Jim Jarmusch. On dirait qu'il n'aime rien tant que de filmer ces moment d'abandon et les poses sculpturales qu'ils induisent. Comme un père qui aime à contempler ses enfants endormis, il place le plus souvent la caméra à l'aplomb des acteurs, à distance respectueuse, attendant parfois sans impatience le moment du réveil.

L'affiche même de Paterson révélait cette prédilection. Chaque jour de la semaine, une nouvelle figure de dormeurs était inventée : face à face, dos à dos, séparation ou entrelacement, dans la complicité des corps et une sensualité légère qui met l'érotisme à distance (aucune scène de sexe dans les deux films).






Only lovers s'ouvre aussi sur le sommeil : Adam et Eve sont séparés, l'un à Détroit, l'autre à Tanger, mais ils semblent liés par un même cycle biologique. La caméra en surplomb tourne autour d'eux, comme ce disque vinyle en surimpression sur le plan, jusqu'à ce que l’œil de chacun s'entrouvre.



Plus tard, quand ils se retrouvent à Détroit, un plan magnifique les réunit dans une nudité presque chaste, avec une identique carnation des corps, image de leur connivence essentielle, intacte depuis des centaines d'années.


Dans l'avion du retour vers Tanger, le sommeil une dernière fois les recouvrira de son ombre somme toute bienfaisante :



2 commentaires:

Francis Paul Charles a dit…

Cher Patrick,
Comme je te l’ai dit je parcours ton blog assez régulièrement et comme dit aussi j’ai parfois un peu de mal à t’y suivre en particulier quand tu parles littérature ou cinéma ; moi je suis plutôt « ciné du samedi soir » et bouquin de tous les jours… Parfois je croise des sujets que j’ai moi-même parcouru. Bien sûr Rabelais et mon bon vieux Paris, mais pas que… Les fresques de Vic font parties de ses sujets, « …je m’arrête souvent à Vic pour y revoir les fresques de l’église St Martin. Je ne compte plus le nombre de mes visites, mais chaque fois je suis touché avec autant de force par le message d’humanisme que ces fresques, peintes il y a huit ou neuf cents ans, révèlent.
… J’ignore ce que les spécialistes pensent du sujet mais pour moi, c’est l’Homme qui est représenté sur les murs de Vic : l’Homme Jésus de sa naissance à sa mort mais aussi tous les autres hommes avec leurs grandeurs et leurs petitesses – bien souvent leurs petitesses ; ces gens qui acclament Jésus à son entrée à Jérusalem et le laissent condamner quelques jours plus tard et même ces moines de Tours, peints sur le mur nord de l’église, qui volent la dépouille du pauvre saint Martin à leurs frères de Poitiers comme s’il s’agissait d’une simple marchandise ».
Humanisme : mais pas selon la définition utilisée aujourd’hui qui correspond en fait à « charité », « commisération » ou pire « sensiblerie »…L’Homme au centre de tout, l’Homme qui ne nait pas Homme mais qui le devient (Erasme). Les fresques de Vic ont dû être peintes lors d’une de ces « Renaissance » qui ponctuèrent le dit Moyen-Âge.
Autre croisement plus anecdotique c’est avec le bateau Ibn Batouta que venant de Malaga j’ai débarqué en 1970 à Tanger avec Gérard Cohen mon copain de « cathé » des Blanc Manteaux, sa cousine Magali et sa Simca 1000 pour une virée marocaine de quelques semaines.

Francis Paul-Charles

Patrick Bléron a dit…

Cher Francis,
Merci pour ton passage ici. Je suis bien heureux que tu partages mon admiration pour les fresques de Vic, un des vrais chefs d'oeuvre du Berry. C'est toujours un choc émotif que l'entrée dans l'église et la découverte de ce mur diaphragme entièrement peint. La modestie de l'édifice contraste avec la richesse de l'ornementation intérieure. Saint-Martin d'Ardentes, la petite église de Lacs, sur le même axe martinien, sont aussi très belles, respirant cette harmonie de l'art roman. Oui, tu as raison, avant la Renaissance proprement dite, il y eut au Moyen Age des périodes de grande effervescence artistique et spirituelle. Autour d'Hervé de Bourg-Dieu, il dût y avoir à Déols un centre intellectuel important. Sommes-nous aujourd'hui à la hauteur de ces hommes de l'ère médiévale que beaucoup ont tendance à prendre pour des arriérés mentaux ? Rien de moins sûr.
Une Simca 1000 sur les pistes marocaines, ce ne devait pas être du plus confortable, mais la cousine Magali devait faire oublier toutes ces tribulations..