Je n'avais pas néanmoins établi leur parfaite synchronicité : la rétrospective a commencé précisément le mercredi 8 novembre, jour de l'annonce et de la remise du prix à l'écrivain, choisi au cinquième tour par six voix contre quatre à Véronique Olmi.
Ces deux événements n'ont a priori rien à voir et sont complètement indépendants l'un de l'autre. Sauf que c'est Clouzot qui a adapté comme on sait Le salaire de la peur, écrit par Henri Girard (sous le pseudonyme George Arnaud), et paru chez Julliard en 1950.
Sauf que c'est Clouzot encore qui adapte à l'écran l'autre affaire criminelle examinée par Philippe Jaenada, l'affaire Pauline Dubuisson, à travers La petite femelle, le livre précédant La serpe. Samuel Douhaire, de Télérama, a livré le 10 novembre un passionnant article sur "La vraie histoire de "La Vérité" d'Henri-George Clouzot"(Jaenada note quelque part que le cinéaste porte curieusement les prénoms du père et du fils Girard - ce qui ne l'empêche pas de peu apprécier la version qu'il a donnée du Salaire de la peur).
Je n'ai pas encore lu La petite femelle, mais je ne suis pas certain que Jaenada ait beaucoup plus apprécié la façon dont Clouzot a rendu compte du drame de Pauline Dubuisson, condamnée aux travaux forcés à perpétuité sept ans plus tôt pour l’assassinat de son ancien petit ami, Félix Bailly, jouée alors par une Brigitte Bardot en pleine gloire. Appelée Dominique Marceau dans le film (que je n'ai pas vu encore, cela ne saurait tarder), c'est "une fêtarde, écrit Douhaire, qui ne pense qu’à prendre du bon temps (« Je fais un peu rien » est sa devise), alors que "Pauline était une étudiante bûcheuse et brillante qui voulait devenir médecin".
De plus, la sortie du film va contribuer à la tragédie de son existence, Samuel Douhaire encore :
"Quelques mois avant la sortie de La Vérité, la prisonnière modèle avait été libérée pour bonne conduite. Après avoir changé de prénom, elle avait repris ses études de médecine à Paris, espérant se faire oublier. Raté… Le film obtient un succès colossal – 5 millions d’entrées ! –, et Pauline Dubuisson, écrit Philippe Jaenada, revient « dans tous les esprits ». Dès la première semaine d’exploitation, des journalistes cherchent à savoir ce qu’est devenue « la Messaline des hôpitaux ». Pierre Joffroy, de Paris Match, la retrouve facilement, réussit à l’interviewer mais, ému par sa détresse, renonce à son scoop et n’écrit pas d’article.
Terrorisée à l’idée d’être reconnue par d’autres, la jeune femme s’exile en 1962 au Maroc, à Mogador (aujourd’hui Essaouira), où elle réalise enfin son rêve : exercer la médecine. Elle tombe même amoureuse, et un mariage est prévu. Mais là encore, son passé la rattrape : quand elle révèle son histoire à son futur époux, celui-ci prend la fuite. A l’issue d’une longue dépression – « un suicide à petit feu », diront ses proches –, elle avale plusieurs tubes de barbituriques et meurt le 22 septembre 1963. Selon ses vœux, elle est enterrée à même la terre dans une tombe anonyme au Maroc, là où elle pensait enfin trouver la paix."
Que dire encore, sinon que Félix Bailly est le fils de l'un de mes amis (on a toujours un peu peur d'écrire ça quand un nom comme celui-ci est associé à une tragédie, mais conjurons le sort, Félix c'est d'abord le prénom du bonheur, étymologie oblige). Et puis que La Vérité sort en novembre 1960, c'est-à-dire le mois de ma naissance (le médecin accoucheur de ma mère - à la ferme de ses parents - n'était autre que François Bailly, le grand-père malheureusement disparu de Félix).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire