Voici quelque temps déjà que je tourne autour de cet écrivain, essayiste, vidéaste, chroniqueur (difficile de le définir), "figure culte de la culture contemporaine" dit la notice des Puf, je connaissais son site et je l'avais cité ici une première fois récemment à l'occasion de l'évocation de 8 1/2 de Fellini, sur lequel il avait donné un éclairage que j'avais trouvé passionnant. Je n'ai donc pas hésité une seule seconde quand j'ai aperçu son dernier livre au stand des Puf aux Rendez-vous de l'Histoire de Blois.
L'argument de la quatrième de couverture me replongeait aussi dans des recherches passées : dans les années 80 j'avais découvert la gnose avec beaucoup de ferveur, l'évangile de Thomas essentiellement avec ses logions souvent splendides et énigmatiques. C'était aussi le temps où je lisais Raymond Abellio, et beaucoup d'ouvrages d'ésotérisme de moindre calibre, où j'expérimentais aussi l'astrologie et le Tarot. C'était une zone très mouvante, assez périlleuse, où il était facile de se perdre dans des dérives sectaires ou des spéculations oiseuses. J'en fis assez vite le tour, et craignant les grilles de lecture sommaires que je ne cessais de croiser, je revins d'une certaine manière à la littérature. En emportant, je l'espérais, ce qui existait aussi de fécond spirituellement dans cette traversée.
C'est avec tout ceci que Pacôme Thiellement me reconnectait, mais en y ajoutant cette sensibilité et cette attention particulière à la culture populaire qui sont les siennes. La pop music, les séries télévisées, le cinéma portent selon lui des enseignements : "Ce que je fais c’est lire dans des œuvres d’artistes modernes ou vivants, non « la parole humaine » qu’ils ont prononcé volontairement, mais la « parole divine » qu’ils ont transmis, et donc la « divinisation » qu’elle implique et qui passe par la transformation de notre regard, de notre écoute, enfin de notre être, de notre manière de vivre." (Entretien (à lire absolument) avec Nathan Reneaud, 11 mai 2017).
Pacôme Thiellement évoque donc ceux que leurs adversaires appellent les "gnostiques". « Gnostiques » "qui ne se sont pas appelés comme ça, déjà, rappelle-t-il encore dans l'entretien. « Gnostiques », c’est le nom que leurs adversaires, les Pères de l’institution chrétienne, leur ont donné pour se foutre de leur gueule. Un des noms que Jésus leur donne dans les écrits de Nag Hammadi c’est abasileus genea, « la Génération Sans Roi » ou « la Race Sans Roi ». L’idée est qu’ils ne percevaient pas la divinité comme un Seigneur mais comme un soutien, un frère ou une sœur dans le secret de leur âme, et qu’ils inversaient la hiérarchie métaphysique en cherchant à rejoindre ce qu’il pouvait y avoir de plus faible ou de plus petit."
C'est contre le Simon le Magicien que les Pères de l'Eglise dirigent en premier lieu leurs flèches. Je lis donc page 33 que "Evêque du IIe siècle, Irénée de Lyon ajoute dans sa somme Contre les Hérésies que Simon a précédemment "acheté" sa femme dans un bordel de Tyr."
Irénée de Lyon... à cet instant je sursaute. Il me semble que j'ai rencontré ce nom voici quelques instants, et ça ne peut être que dans la Recluse juste terminée. Je le retrouve facilement, c'est page 449, dans un dialogue entre Adamsberg et son adjoint Veyrenc :
"- Et maintenant, réfléchis au prénom qu'elle s'est choisi: Irène. Cela ne te rappelle pas un autre nom ?
- Eh bien on a saint Irénée, au IIe siècle, le premier véritable théologien.
-Cherche plus simple."
Ce ne sera pas la seule, mais ce sera la plus forte.
Je n'avais guère besoin de cela, mais cette collision ne fera qu'intensifier ma lecture des Sans Roi.*
Fragment de l'évangile de Thomas, bibliothèque de Nag Hammadi |
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* On lira avec profit un autre très récent entretien avec Pacôme Thiellement, Gnostiques et pop culture, sur le site des Puf.
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