jeudi 12 janvier 2017

# 10/313 - Malice posthume d'Edgar Poe

4 janvier. Reçu une autre carte postale, de Bretagne encore, de Concarneau pour être exact. Non pas de Anne, mais d'Yvan, mon comparse de Torticolis. L'océan est encore à la fête.

Au moment où je suis sur le point de partir, après avoir déposé le pli sur le siège de gauche de la voiture, il m'appelle. Je lui signale la coïncidence, mais je ne lui dis pas qu'il y en a une autre, plus singulière encore : c'est que juste avant de quitter l'appartement je viens de télécharger, sur le site de la bibliothèque électronique du Québec, Arthur Gordon Pym, d'Edgar Allan Poe.


C'est que je viens de terminer l'écriture de la neuvième chronique, Niagara et Edgar Allan Poe, où j'évoque précisément Arthur Gordon Pym (que je n'ai encore pas lu). Et j'ai commandé à l'issue de celle-ci la biographie de Georges Walter, Enquête sur Edgar Allan Poe, Libretto, 2009.

Il s'agit en fait d'une réédition, l'original ayant paru en 1991. Je m'en souviens très bien, j'habitais à La Châtre à l'époque, et j'avais dû lire une recension de l'ouvrage dans Le Monde des livres, dont je ne loupais alors aucun numéro. Je croyais naïvement que la bibliothèque municipale en ferait rapidement l'acquisition, il n'en a rien été, et je n'ai jamais songé à le commander à la librairie (où bien sûr il n'était pas en rayon).

En revanche, plus récemment, j'ai trouvé dans mon éternelle caverne d'Ali Baba, je veux parler de Noz, le livre de souvenirs de Georges Walter, que Jérôme Garcin qualifie à juste titre de foutraques, Souvenirs curieux d'une espèce de Hongrois, Tallandier, 2008.

Encore un livre pas lu, mais qui attendait tranquillement son heure dans quelque rayonnage. Je l'ai ressorti pour l'occasion, songeant qu'il était bien extraordinaire si, dans ce recueil, je ne trouvais pas trace de Poe. C'était bien le cas, d'ailleurs la note de l'éditeur mentionne bien que dans la belle anthologie de ses rencontres et de ses admirations, il ne fallait pas oublier Edgar A. Poe, "le plus familier de ses fantômes".
J'ouvre donc le gros volume et je trouve sans peine mention de Poe à la date du Printemps 1960, au chapitre 15, Edgar Poe m'attendait à Audierne.

Faut-il maintenant préciser que je suis né en 1960, et qu'Audierne est en Bretagne, dans ce Finistère que deux cartes postales (les seules reçues ce mois-ci) m'ont comme expressément désigné ?
Et de quoi parle donc Georges Walter en Bretagne ? Eh bien d'une équipée maritime un peu sauvage, avec une bande de copains pêcheurs bretons très fort portés sur la bouteille :

 "[...] tout s'est passé pour moi comme si quelque très plausible malice posthume d'Edgar Poe m'avait entraîné dans une aventure bretonne à la fois sinistre et stupide. Et si je n'ai pas revécu mot à mot le cauchemar d'Arthur Gordon Pym  au large de Nantucket, j'ai bu jusqu'à la lie la coupe de son épouvante : son camarade Auguste qui l'a entraîné sur l'Ariel était pris de boisson, mais moi, si je suis sorti en mer sur l'Alcyon, ce fut "avec tout un équipage aviné". Et le récit du poète américain relate parfaitement la progression de ma terreur quand je m'aperçus, à mesure que forcissait le vent, que j'étais à bord le seul individu sobre... et le seul incapable de tenir la barre." (p. 140-141)
 Voilà. En postant la chronique sur le phare d'Ar-Men, je n'entrevoyais encore rapport avec le reste, mon intuition seule me réclamait de l'inscrire là. La confirmation de cette intuition n'a pas donc tardé à tomber. Peut-être une série significative de cartes postales est-elle en train d'émerger ? J'aime en tout cas que des fils se nouent par les moyens plus traditionnels, par l'écriture manuelle commanditée par la seule amitié.

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