Hier, l'extrait de
George Sand provenait d'un chapitre des
Légendes rustiques consacré aux
meneux de loups. Elle écrit plus loin que "
les meneux de loups
ne sont plus les capitaines de ces bandes de sorciers qui se changeaient en loups pour dévorer les enfants ; ce sont des hommes savants et mystérieux, de vieux bûcherons ou de malins gardes-chasses, qui possèdent le secret pour charmer, soumettre, apprivoiser et conduire les loups véritables."
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Adaptation BD par Bruno Forget |
La question que je me pose est très simple :
les meneurs de loups ont-ils vraiment existé ? George Sand n'en a pas observé elle-même et ne fait que transcrire plusieurs histoires qu'on lui a racontées, comme celle-ci : "
Je connais plusieurs personnes qui ont rencontré, aux premières clartés de la lune, au carroir de le Croix-Blanche, le père Soupison, surnommé Démonnet
, s'en allant tout seul, à grands pas, et suivi de près de trente loups." Plus loin, elle reproduit un témoignage "
de deux personnes riches, ayant reçu de l'éducation, gens de beaucoup de sens et d'habileté dans les affaires" (autrement dit pas des paysans crédules et superstitieux), eh bien ces deux quidams lui ont juré
sur l'honneur avoir vu un vieux garde-forestier conduire treize loups à partir d'un carrefour écarté (c'est toujours dans les carrefours que se fomentent les diableries). En est-elle pour autant convaincue ? Elle a cette formulation curieuse : "
Ceci me fut raconté si sérieusement que je déclare n'avoir pas d'opinion sur le fait."
Prenons acte : pas d'opinion sur le fait. Qu'en est-il maintenant de Daniel Bernard, historien qui a écrit plusieurs volumes sur la gent lupine ? Dans
Le loup en Berry, il consacre trois doubles pages aux
meneux de loups.
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Le meneu' de loups, gravure de Maurice Sand |
Lui aussi rapporte des témoignages, esquisse des hypothèses : "
Inexplicable pour les paysans, cette mystérieuse faculté serait due à une sorte de magnétisme émanant de l'homme. Un don que les gardes-chasses, bûcherons ou pauvres hères vivant dans les bois savent développer à l'extrême." Mais il ne tranche pas vraiment, ne prend pas nettement position. Faits réels ou imaginaires, au fond on n'en sait rien.
Il est en revanche symptomatique que Baptiste Morizot, dans
Les diplomates, ne touche pas un mot des meneurs de loups, même à titre anecdotique. Et pourtant, si les meneurs de loups existaient, ou avaient existé, ils seraient ou auraient été les plus grands diplomates qui soient, les meilleurs communicants qu'on puisse imaginer avec le monde lupin. Cette indifférence à la tradition orale n'est-elle pas une lacune dans cet essai au demeurant d'une grande richesse ?
Il me semble qu’Élise Rousseau est plus près de la vérité lorsqu'elle fait l'hypothèse dans son
Anthologie du loup que les meneurs de loups étaient "
sans doute en réalité de simples "éthologistes" avant l'heure, connaissant parfaitement les mœurs des loups et accompagnées de loups qu'ils avaient récupéré louveteaux à la tanière, puis élevés. Ce savoir leur donnait un prestige tel qu'on pensait qu'ils ne pouvaient qu'avoir fait pacte avec le Diable en personne."
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